Initiation et si on passait aux choses sérieuses

Qu’est-ce que l’initiation ? Pourquoi s’initier ? Peut-on s’initier ? La franc-maçonnerie peut-elle nous initier ? Quel rite choisir pour s’initier ? Comment s’initier ? Autant de questions qui méritent une réflexion. Avons-nous chacun d’entre-nous une réponse précise pour chacune d’elle

Que représente l’initiation et a fortiori, qu’est-ce que le chemin initiatique maçonnique ?
Il existe diverses initiations qui sont toutes conférées par un rituel, mais toutes n’ont pas la même portée. Certains sont des rites de passage d’adolescence au monde adulte, d’autres sont claniques ou bien d’appartenance à une confrérie, ou encore, on peut vous initier aussi à une pratique quelconque. On ne s’étendra pas sur tous ces différents rites qui ne sont que d’ordre exotérique, d’autant qu’ils ont été très bien explicités par Bruno Etienne . On ne s’étendra pas davantage non plus, sur celles qui concernent l’œuvre au noir, à savoir, les transmissions de pouvoirs et secrets, tels le vaudou, la sorcellerie et autres pratiques obscures. Celle qui nous concerne nous, cherchants francs-maçons, c’est l’initiation en tant que chemin d’éveil à la conscience.

Il semble évident que les réponses que nous allons pouvoir avancer sur ce sujet, ne pourront qu’être relatives et qu’en fin de compte, nous ne puissions seulement en dépoussiérer quelques idées tant la Franc-maçonnerie se veut multiple et variée.

Précisons en premier lieu, que le terme « initiation maçonnique » est impropre. En effet, dans le langage courant propre aux francs-maçons, on identifie l’initiation comme étant une initiation maçonnique. Hors il n’existe aucune initiation qui soit maçonnique, pas plus qu’il en existerait une qui serait, chrétienne, bouddhique, musulmane ou autre. L’initiation en tant qu’éveil à la conscience, est unique, universelle, elle est à l’image du sommet de la montagne un et indivisible. Cependant les voies pour accéder à ce sommet sont multiples et variées, et chaque tradition et religion a tracé son chemin en le balisant d’éléments propres à sa croyance.

La franc-maçonnerie n’est pas le sommet de la montagne, elle n’en est elle aussi qu’un des sentiers pour y accéder. Aussi ne parlerons-nous pas, d’initiation maçonnique, mais de chemin ou de voie initiatique maçonnique. Au même titre, il n’existe aucune spiritualité maçonnique, pas plus que chrétienne ou juive. La spiritualité est elle aussi une et indivisible et le chemin initiatique maçonnique n’est qu’une voie empreinte de spiritualité qui nous permet d’accéder au sommet. L’initiation et la spiritualité sont concomitantes sur le chemin initiatique.

Le chemin initiatique est une voie qui permet d’accéder, par l’initiation, à l’éveil de notre conscience. Le terme d’éveil est employé par de nombreuses traditions initiatiques pour désigner une amplitude de la conscience. Est-ce à dire que nous somnolons ? Que la réalité dans laquelle on vit n’est qu’un rêve ? C’est en tout cas l’image la plus appropriée que ces traditions choisissent pour désigner la nature de ce qui fait notre quotidien.


Elles considèrent que notre conscience somnole dans un environnement qui n’est pas le sien, un environnement onirique. Cependant, faisons attention de ne pas tomber dans les pièges que constitue le paradoxe du langage. Le terme de rêve et d’environnement onirique n’est pas l’exacte réalité, mais seulement l’expression qui s’en rapproche le plus ; aussi ne restons pas lier par cette image.


La conscience est la réelle nature de chacun. En supprimant l’ego, on supprime l’acteur et le scénario, mais le décor reste toujours le même. Non seulement il reste le même, mais qui plus est, on le découvre tel qu’il est. La vision du monde tel que nous l’imaginons est formatée par les attentes de la multitude de nos petits « moi ». Lorsque nous sommes pleinement présents, c’est-à-dire pleinement conscients et sans stratégie aucune, le monde nous apparaît tel qu’il est et non tel que l’on souhaiterait qu’il soit.


En effet, pour la conscience, tout est à la fois subjectif et réalité, car c’est elle qui crée son environnement lorsqu’elle manifeste un intérêt. Ce n’est que parce que l’ego identifie l’un ou l’autre de ces environnements par rapport à sa spatialité, qu’il considère être dans un rêve ou bien dans la réalité. L’initiation consiste à ce que la conscience se dés-identifie de l’ego, afin que la réalité et le rêve se confondent.


La conscience est la réelle nature de chacun. En supprimant l’ego, on supprime l’acteur et le scénario, mais le décor reste toujours le même. Non seulement il reste le même, mais qui plus est, on le découvre tel qu’il est. La vision du monde tel que nous l’imaginons est formatée par les attentes de la multitude de nos petits « moi ». Lorsque nous sommes pleinement présents, c’est-à-dire pleinement conscients et sans stratégie aucune, le monde nous apparaît tel qu’il est et non tel que l’on souhaiterait qu’il soit.


Bien évidemment, on conviendra aisément que cette dés-identification n’est pas accessible à tout le monde en même temps, car il n’y a aucun intérêt à ce qu’il n’y ait personne sur le terrain et que tous soient assis dans les tribunes. L’initiation est à l’image de quelqu’un qui accédant à la retraite arrête son travail. Le retraité change de vie en se retirant de la scène professionnelle et perd ainsi l’intérêt que celle-ci procurait. Cependant bien que ses désirs professionnels soient annihilés, la vie continue pour lui sous une autre forme.

initiation-maconniique

Néanmoins si tout le monde ne peut s’initier en même temps, chacun a les mêmes chances face à l’initiation. Elle est accessible à tous si la volonté est réelle et que les efforts sont suffisants pour la réaliser. Autrement dit il n’y a pas d’élu, pas un franc-maçon qui soit plus apte à la réaliser qu’un autre. Ce n’est qu’une histoire de choix et de volonté.

Mais qui est ce « rêveur » ? On peut penser en supprimant tout anthropomorphisme que si l’éveil est une amplitude de la conscience, le rêveur ne peut qu’être cette conscience même. Par conséquent, notre conscience en tant qu’individualité n’est qu’un degré de cette conscience unique. C’est la conscience universelle qui en rêvant crée notre individualité et toutes les inspirations de tous nos petits « moi ». Nous aurons compris que chacun d’entre nous n’est pas un être unifié, nous sommes constitués d’une multitude de personnages qui varient en fonction des situations ; nos petits « moi », sont ces différents personnages.


Ce qui revient à dire que sur le chemin initiatique maçonnique, la lumière en tant que conscience est un acteur ; autrement dit un ego qui joue un rôle. L’initiation consiste alors à supprimer le rôle pour que l’acteur soit sans emploi. La conscience universelle crée la conscience individualisée en s’oubliant partiellement elle-même, ce n’est que de la sorte que le jeu peut, non seulement exister, mais qui plus est, perdurer sans lassitude aucune.

Le chemin initiatique maçonnique, par son rituel et ses symboles, nous permet de comprendre cette action qui consiste à nous dès-identifier du rôle que nous sommes, et ainsi, découvrir notre réelle identité qui n’est que conscience même.


Cette dès-identification s’obtient progressivement en recouvrant la mémoire par le recueillement sur soi et nous verrons que le rituel maçonnique avec ses symboles ne nous explicite que cela. Au fur et à mesure de nos recherches, on acquiert peu à peu la certitude que nous ne sommes pas ce corps physique, mais que celui-ci est l’instrument propre à nous permettre de réaliser toutes nos actions.


La problématique réside uniquement dans le fait que le monde matériel étant notre seul point de mire, nos désirs guident nos actions. Le recueillement sur soi permet de comprendre que la somme de tous ces désirs n’appartient qu’à nos petits « moi » qui nous emprisonnent et nous maintiennent dans ce jeu de rôle.


Nos passions sont insatiables et nous ne sommes jamais repus ; sitôt a-t-on assouvi notre soif de ceci que nous avons faim de cela. Nous ne sommes qu’un puits sans fond, un ventre qui se dilate au gré de nos envies. Nous en sommes même réduits à créer artificiellement nos plaisirs, à l’image de celui qui porte des chaussures trop petites pour lui, uniquement pour éprouver la joie de pouvoir les retirer.

Chaque petit « moi » a ses propres désirs, mais qui plus est, ces désirs le maintiennent en vie. Prendre conscience de cela, c’est faire émerger la volonté qui nous permet de dépasser tous ces personnages afin de s’unifier. Unir ce qui est épars c’est penser et parler d’une seule et unique voix.

La plupart des fumeurs bien qu’ils prennent plaisir à fumer souhaitent néanmoins aussi arrêter. Cependant tant que cela n’est pas ancré dans leur conscience, leur volonté n’est pas suffisante pour pouvoir le réaliser. Lorsqu’ils y arrivent, ils se rendent compte qu’arrêter de fumer est d’une facilité déconcertante, que la cigarette les maintenait prisonniers et que le plaisir qu’elle leur procurait était finalement infime au regard de la liberté dont elle les privait.

Le chercheur de lumière se retrouve dans le même cas de figure. Bien qu’il ait les deux pieds ancrés dans la matérialité, il a aussi l’envie de s’en défaire, car il pressent la liberté. Cependant, il faut être persuadé que bien que ce détachement ne soit pas aisé, il reste néanmoins possible. La conscience ne cesse de vouloir s’émanciper dès qu’elle prend connaissance du jeu et qu’elle découvre qu’elle est entravée par ce qui fait l’individualité.

On ne peut s’engager pleinement sur le chemin de l’initiation maçonnique qu’une fois que l’on a eu accès à une fenêtre. La beauté du paysage qu’un bref regard nous permet de contempler devient le moteur de nos recherches. Tant qu’il ne nous est pas permis d’avoir accès à une fenêtre, nous restons dans l’obscurité, et tout ce que l’on peut nous dire du chemin initiatique n’a pour le coup aucun sens. A l’instar du retraité qui est à l’opposé de celui qui est toujours en activité, l’initiation est à l’opposée de l’action sociétale. On ne peut vouloir rester dans le bocal et sans antinomie aucune, en même temps vouloir s’en échapper.